La beauté d’une mortelle, Psyché, fâche d’autant Vénus que son fils, l’Amour, en est follement épris. La déesse de l’amour, très remontée, va lui infliger des épreuves rocambolesques… Pour adapter cette comédie-ballet de Molière, Corneille et Lully, Omar Porras y greffe des vers d’auteurs comme La Fontaine pour rendre à l’écoute les effets de métamorphose qui font le coeur de sa mise en scène. La troupe du Teatro Malandro que nous avons vue la saison dernière dans La Visite de la vieille dame occupera le théâtre, dessous, coulisses et plateau, pour exploiter toutes les possibilités de sa cage de scène. Machinerie, envols d’Anges et de Zéphires, pyrotechnie et masques : Omar Porras nous offre du grand spectacle !
note d'intention
Psyché est la pièce de Molière dans laquelle l’auteur explore le plus intensément la mythologie – elle se révèle en condensé de mythe et de théâtralité. J’ai eu envie d’aller chercher cette parole ancrée au XVIIe siècle, de puiser dans la profondeur de cette langue afin de retrouver la musicalité de la langue des poètes de l’époque. À l’origine de mon désir de mise en scène, il y a donc le mythe et la manière de le transmettre.
Un mythe est le résultat d’un phénomène extraordinaire, naturel ou surnaturel, qui a été raconté de génération en génération. Nous participons à la construction des mythes et légendes en contant nos propres histoires. Le théâtre est non seulement une source mais aussi un chemin qui permet de penser les modes de vie, représenter les expériences, à travers l’assemblage de différents arts. Nous contribuons ainsi à la prolongation des mythes.
Je me suis toujours intéressé aux textes fondamentaux de notre culture occidentale – avec des figures comme celles de Faust, Quijote, Don Juan, Dionysos… Avec Vénus, Amour et Psyché – le trio au coeur de cette fable – nous travaillons d’après Molière, mais également avec d’autres sources, notamment Apulée, La Fontaine et certains librettistes italiens du XVIIè siècle.
Parler de mythe et des sources me propulse vers les arts premiers. Nous les côtoierons dans Amour et Psyché – tant pour les images que pour la musique. Je viens d’une culture très proche des arts premiers imprégnée de mythologies indépendantes de la tradition gréco-romaine, par exemple celle des peuples Yagua ou Desana. Les arts premiers, c’est aussi Lascaux, l’art africain, l’art polynésien ou les réinterprétations modernes de Picasso – le mythe s’abrite sous l’aile de ces artistes puissants. C’est là que se trouve le centre d’inspiration de notre création : loin des archétypes de beauté contemporains, loin de la beauté apollonienne célébrée du temps de Molière – loin du baiser d’Amour et Psyché en marbre blanc ! Je veux chercher Vénus parmi la paille, l’argile, l’or brut, le tressage des joncs ; la trouver dans un totem témoignant de la création de l’humanité, dans des compositions symboliques et géométriques.
Amour et Psyché fait le récit d’une quête spirituelle mais explore aussi l’amour interdit – pour raison de caste – l’amour entre une mortelle et un immortel, qui devrait aboutir à l’impossibilité de l’amour. Mais l’amour demeure une conquête, il nécessite un rite initiatique : magie, transgression, transe, visions, dépassement de soi pour atteindre l’amour – c’est ce que représente ce mythe, devenu aventure théâtrale.
Psyché fait donc l’objet d’une métamorphose – de mortelle en déesse – obtenue après de multiples épreuves. Elle pointe vers le sacré. Sa condamnation initiale, elle l’envisage comme un voyage : elle est visionnaire ! Pourquoi accède-t-elle à l’amour ? Parce qu’elle accepte ce voyage et les épreuves, pas forcément comme souffrance mais comme chemin.
Cette première création du Teatro Malandro au TKM me permet de travailler avec des artistes et artisans fidèles – notamment le scénographe Fredy Porras – vers une réelle célébration du théâtre. Nous allons offrir aux spectateurs notre lecture d’un mythe – avec des moyens scéniques et théâtraux qui créeront un spectacle poétique, lyrique, chargé d’émotions, déployant la machinerie du théâtre : vols célestes, émerveillements pyrotechniques… Nous nous inscrirons aussi dans la continuité des traditions orales, évoquant les conteurs – une manière de revenir à l’origine de l’histoire (qui donc l’a racontée à Apulée ?). Ainsi j’ajoute un élément supplémentaire aux diverses formes de théâtralisation, toujours au service du mythe, vers un spectacle total.
Omar Porras, septembre 2016.