Peut-être a-t-on déjà vu beaucoup de Tartuffe, mais jamais un comme celui-ci,  où Guillaume Bailliart, seul en scène, joue tous les rôles. Il nous livre le texte brut et tente d’en extraire l’extraordinaire énergie. Ce qui l’intéresse dans cette aventure folle, c’est la parole elle-même : sa démesure, ses fulgurances, son organisation, et ce qu’il nomme « la dictature formelle du vers » qui, bien que (ou parce que) extrêmement contraignante, autorise les plus belles inventions de jeu. Cette performance, à la fois physique et mentale, utilise le souvenir de la mise en scène de Gwenaël Morin lors du premier Théâtre Permanent à Aubervilliers. Bailliart, par ailleurs metteur en scène, s’emploie à emprunter le sillon de ses anciens partenaires afin de fuir le numéro d’acteur et de jouer avec la possibilité d’une transe. Le pari est admirablement tenu pendant près d’une heure dix : toutes ces voix et tous ces corps -une bousculade d’identités-sont restitués par la verve du comédien. Et résonne, avec maestria, un texte aux accents intemporels.